autoportrait d’Arthur Rimbaud, pris au Harar (Ethiopie) en 1880.
j’expliquai pourquoi, selon moi, Rimbaud a troqué sa main à plume contre une main guidante sous le soleil des caravanes. on a trop parlé de son silence, de sa désertion, de sa fuite. le génie qui s’abstient volontairement. en 73, c’est l’heure des bilans. Une saison en enfer en dit beaucoup sur ce retrait. certains textes des Illuminations sont cependant postérieurs, 74 assurément, sans doute 75 pour un ou deux. ensuite il n’écrivit plus que des lettres et des rapports géographiques. quand par hasard on lui demanda ce qu’avait représenté la poésie pour lui, à Harar, il répondit : des rinçures. difficile de trouver un mot plus précis pour dire son mépris des choses d’avant. dès ses lettres de 71 : le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens… pour atteindre un degré élevé d’art, il faut donc percer les limites sensorielles, de la conscience, de la morale, devenir criminel, crétin, infernal, aller au delà du possible, s’absinthiser de bon matin, se faire enculer même si on n’aime pas ça, défoncer les autres, se retrouver malade à un point de non-retour. le sommet de ses vers de 72… tourner la page, n’est pas la tourner métaphoriquement mais pratiquement et pour toujours. trouver une autre façon de crever à la dure, dans des conditions limites, sans être doué ni pour cette activité de négoce, ni pour cette nouvelle vie. reste la sévère discipline. mais comment aurait-il pu répondre de ses agissements anciens autrement que par un rejet souverain ? c’est un tout, un package comprenant poèmes, douloureuses dérives et maux insurmontables. il n’est plus voyant, ne désire plus l’être. ayant renoncé au chaos pour sauver sa peau, il ne peut plus, dès lors, avoir conserver sa velléité d’écrire. l’un était imbriqué dans l’autre. il n’y a donc rien de mystique dans ce renoncement. ayant changé d’état, on ne peut retourner en arrière. le mépris de ce qui fut, les rinçures, renforcent in absentia les hautes fonctions de son art.
septembre 2024