on n’en voyait plus le bout. c’est très difficile de tenir un secret. très difficile de se mentir à chaque seconde. le corps en prend un coup, pas que le corps. il fallait que je revienne, non pas à la case départ, ça n’existe pas, mais sur un terrain que j’avais connu avant. avant tout ça.
avant que je devienne moi-même. une réalité qui n’en est plus une lorsque je vois dans un miroir mon visage vieilli. elle a emporté les bougies et les vases. il reste un espace vacant, illimité. c’est dans cet espace que je vis. il ne m’a pas été possible que je reste là où nous nous étions connus. aussi, Denpasar avait beaucoup changé. la loi commençait à frapper. nous étions restés terrés longtemps dans nos maisons. ce soir-là, je lui ai donné rendez-vous derrière ce qu’on appelait entre nous, le mur occidental, la jungle commençait à sa suite. c’était sérieux. j’ai traversé quelques rues et j’ai aperçu le passeur. je suis revenu sur mes pas. j’ai entendu parler des gardes, ils semblaient si proches, j’ai cru percevoir jusqu’à leur souffle. j’ai attendu et je suis reparti, le coeur battant. sur le lieu, il n’y avait personne. elle n’était pas présente. peut-être avait-elle eu peur de sortir, peut-être lui avait-on interdit.
j’ai pensé repartir à contre sens vers chez elle, il fallait pour cela que je traverse le pré carré ou du moins le longer. j’ai songé au passeur. m’attendrait-il ? je sentais retentir en moi le bruit d’une pompe. je scrutais l’obscurité et ne vis rien. je repensai à l’amant qui l’attendait parfois, à ses attentes, à ses espoirs. je revins vers le passeur. il me fit un signe de la main. et c’est ainsi que je suis parti sans l’attendre.
14 février 2019