écrit pour le catalogue Audiosphere de Francisco López,
Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid,
14 October, 2020 – 15 February 2021
Je chantais en marchant un hymne mystérieux dont je croyais me souvenir comme l’ayant entendu dans quelque autre existence et qui me remplissait d’une joie ineffable. Gérard de Nerval, Aurélia, (1855).
Ce qu’il me plairait d’aborder ici est une esquisse de réflexion, à la fois liée à ma rencontre avec Francisco Lopez depuis plusieurs années, à mon propre travail au sein de Sub Rosa; à ce qu’on nomme une écoute, à la perception toujours singulière qu’on en a, aux trous dont on a besoin pour ne pas réduire la perspective de nos expansions imprédictibles, enfin, à l’acceptation de notre inconnaissable.
Tore (1) #1 : pour une généalogie a-chronologique
Il est dans la nature des choses qu’un explorateur ne puisse pas savoir ce qu’il est en train d’explorer avant qu’il ne l’ai exploré. Gregory Bateson, Vers une écologie de l’esprit, (1977)
Les ennuis commencent quand il faut classer. Mais c’est aussi alors que l’on pense. Ranger c’est établir une méthodologie. Mais de quel type ? Dans quel ordre ? Comme, de par sa nature, l’entropie augmente, pour saisir, il nous faut classer.
Au début de son Vers une écologie de l’esprit, encore, Gregory Bateson dialogue avec sa jeune fille qui lui demande : pourquoi le désordre semble se faire sans nous mais qu’il nous faut passer un temps fou à tout remettre en place ?
Moshe ben Shem Tov de León dirait qu’il faut fuir à la fois la rigueur d’un ordre établi comme un chaos informe, ni trop solide, ni trop fluide – ça ne peut ni casser ni fuir. Pour cela il faut établir une loi médium. De la colonne de la Loi, du rigide, à là colonne de la Fantaisie, du fluide, il nous vaut capter, une colonne médiane. C’est une question de densité. Pour cela il nous faut embrasser la connaissance qu’on en a. On entrevoit déjà un premier problème puisque notre connaissance future – celle qui nous poussera à établir une autre forme de classement – n’est pas encore à l’ordre du jour. Il faut donc, avant toute chose, non pas voir les faits tels qu’ils sont aujourd’hui visibles et reconnaissables mais tels qu’ils le seront – hypothétiquement dans un futur proche ou éloigné. L’essentiel est donc de se garder des trous (2). Il faut des trouées, des percées, il faut des trous.
Je dois me reporter à une discussion que j’ai eue avec Francisco lors d’un de ses passages à Bruxelles. je lui rapportais que le compositeur anglais Hugh Davies, avait répertorié sans trop de problèmes, toutes les pièces électroniques créées dans les années cinquante, le nombre continua à augmenter jusqu’à ce qu’un tel travail devienne inenvisageable. Le temps faisant, la technologie passant à travers nous et au vu du décloisonnement des arts, (musiciens / structures – plasticiens / texture, allons vite), je lui disais avoir un peu de mal à boucler mes derniers volumes à cause de ce foisonnement insaisissable. Mon idée avait été de tracer un territoire a-chronologique de cette musique de ses débuts jusqu’à nos jours – je précise jusqu’au jour où je l’ai arrêtée. Ce qui fut produit alors le fut selon mes connaissances propres et dans un temps défini. Si d’autres l’avaient bâtie, ou moi, maintenant ou avant – le résultat en aurait été différent. C’est bien dans ce temps et non un autre que cela fut agencé – ni avant, ni aujourd’hui. Cela pourrait rendre ce type d’entreprise caduque dans ce sens où on rate de facto une solution définitive mais en réalité c’est sa beauté que d’être figée dans cette fragilité formelle. Voilà, ce qu’on a pu faire. Tout est en perpétuel changement et tout contemporain de ces changements est marqué par la trace de son aveuglement. L’aveuglement faisant partie du kit de notre survie – l’aveuglement comme l’oubli nous sont nécessaires. Mais ce que me dit Francisco alors, c’est qu’il était vain de vouloir connaitre les flux que j’examinais. Sans doute, je ne m’étais pas tout à fait défait de cette idée illusoire – même si je la savais perdue d’avance – celle d’une connaissance vue d’en haut. Après une légère angoisse, ce fut une libération. Il est si nécessaire d’être incomplet, que l’action soit non-finie, en devenir, sur le point de – qui va vers… il y a là, la possibilité d’une puissance sans désenchantement.
Kairologie, au lieu de chronologie, généalogies rhizomatiques multiples comme attestation de la création sonore sociale actuelle. Mille plateaux (1980) de Deleuze et Guattari avait eu un grand impact sur nous, au tout début de Sub Rosa. Ce système de rhizomes, m’a sauvé de mon angoisse d’un monde se déployant dans sa logique dialectique qui emporte tout. Car le rhizome n’a pas de centre, il n’a de début ni de fin. Un ensemble de rhizomes établit un plan – appelé chez Deleuze-Guattari – un plateau. Sur ce plateau s’établit une connaissance donnée, un sens. Cette connaissance, si elle intégrée ou fusionnée à d’autres rhizomes, change de forme et de nature. C’est ainsi que le sec ne casse pas et que le fluide de fuit pas. On recompose, on réagence.
A mettre en lien avec la technologie – inévitablement – la multiplication exponentielle des productions à travers un type de machines inédites contribue à « une constellation de très petites unités de publications, de distributions, de présentations et d’échanges de produits culturels en grande partie non contrôlés», et de fait, en dehors des considérations académiques ou commerciales que l’époque pousse, par ailleurs, plus encore mais dans d’autres lieux. Mais ces lieux ne se touchent plus. Il y a des interstices.
Remontons. L’idée d’une généalogie – c’est l’inverse de celle de l’homme perdu qui cherche d’où vient l’être qu’il est, de quelle mythologie remonte sa force perdue. Au contraire, il s’agit de partir de l’instant où l’on se tient. A la manière où Nietzsche perfore la généalogie de la vérité, du bien, du mal, de l’interdit, des sentiments amoureux, des contrats. Cela débouche forcément sur des propositions totalement contradictoires. Rien ne remonte comme un poisson une rivière mais un sens qui se perd à force de débuts.
Et ainsi, alors que j’étais à la fin de mes anthologies, les historiques et les autres, les a-chronologies et les agencements de toutes sortes, les éléments infinitésimaux que nous ne connaitrons jamais – l’ensemble de ce tout cela, allait vers l’inconnaissable et l’anonyme. Car il est vain de vouloir tout connaitre, me dit Francisco, devant une soupe miso. Etre dans une inconnaissable et l’accepter, c’est ce que j’ai commencé à faire avant qu’elle ne soit refroidie.
Tore #2 : l’art du son est le lieu des sons
Je suis lié par plusieurs liens, je sens plusieurs êtres qui me lient, parce que les degrés de la beauté sont divers et distincts. L’un m’enflamme et me lie pour telle raison, l’autre pour telle autre raison. Giordano Bruno, Des liens, De Vinculis in genere (1591)
David Toop imagina Sonic Boom à la Hayward Gallery, à Londres, en 2001, ce fut un vaste lieu d’installations sonores – une étape décisive, à la fois un aboutissement et le départ de multiples autres manifestations similaires où sons, musiques, images mouvantes, architectures, sculptures se confondent. Elle fut la première expérience de grande ampleur qu’il m’ait été donné de voir en matière d’exposition donnant une place spectaculaire au son. Bien sûr, avant cela le son (et la video y était le plus souvent associé) était déjà apparu dans les musées et les galeries mais de façon marginale (Nam June Paik, Joseph Beuys, Wolf Wostell pour ne parler que des proches de Fluxus). Mais ce furent toujours des points de bruit dans un espace de silence.
La définition la plus judicieuse de l’installation sonore reste celle de Bastien Gallet : « Installer des sons ne veut pas dire faire une installation plastique de sons, mais les disposer dans un lieu. Installer des sons veut dire composer une étendue et sa rencontre avec un lieu. L’installation sonore est musique à condition que l’on comprenne la musique autrement, non plus comme l’art des sons, mais comme l’art des étendues (et des durées) sonores, en relation avec des lieux dont elle dispose ou qu’elle invente ».
Cette réflexion me donna une sorte de clé pour penser plus avant un cadre parfaitement simple qui classe l’effusion apparemment chaotique des dispositifs émergeants alors. J’imaginai alors une possibilité d’agencement.
1. Les formes manifestes de l’installation
sons sans support (A)
son ambiant en interaction avec l’extérieur (A-a)
son qui brouille l’ambiance sonore extérieure (A-b)
création de sons interactifs (A-c)
travail sur le langage (A-d)
objects (B)
support matériel de la diffusion du son : haut parleur… ( B-a)
support matériel de la diffusion vu comme sculpture (B-b)
support-sculpture producteur de son (B-c)
support-peinture (montrée en parallèle au son) (B-d)
vidéo (C)
matériau visuel en rapport direct avec le son (la vidéo produisant son propre son) (C-a)
matériau visuel en rapport indirect avec le son (le son est produit par un autre support) (C-b)
performance (D)
liée aux arts plastiques (D-a)
liée à la structure musicale (D-b)
2. Origine d’où naissent les concepts.
plasticiens (O)
Des tendances très diverses se maintiennent : des néo-minimalistes à forte tendance technologique (Ryoji Ikeda) aux tenants d’un nouvel art pauvre (Steve Roden) ou low tech.
musiciens (E)
Musiciens ayant la volonté manifeste de transcender les catégories existantes
plasticiens/musiciens (OE)
Une grande partie des musiciens de la scène électronique ayant commencé dans la second partie des années 90′ est issue des arts plastiques mais ayant choisi le son comme terrain d’exploration.
3. Axe fantôme oscillant : le rapport extérieur>< l’intérieur
L’installation extérieure se trouve être, de facto, en interaction avec tous les sons ambiants (X)
L’installation intérieure est, au contraire, isolée des bruits du monde. (Y)
Ainsi B-c/OE/Y pourrait être un artiste ayant une double formation de plasticien et de musicien produisant une installation sonore utilisant comme support le matériel de diffusion sonore et cela à l’intérieur d’une galerie ou d’un musée – cela pourrait être le travail de Christian Marclay, par exemple.
Je laisse à votre réflexion cette méthodologie très simple à appliquer dans tout un espace muséal connu ou inconnu. Tout doit tenir dans la main (ou dans un livre) ou se répandre à l’infini dans un espace non-identifiable.
Tore #3 : écoute et perception de ce qui n’est (peut-être) pas
Toute expérience est subjective. Notre cerveau crée les images que nous ‘pensons’ percevoir. Les processus de la perception sont inaccessibles. Seuls les résultats sont conscients et ce sont eux que l’on doit retenir. Gregory Bateson, La nature et la pensée, (1979).
Isaac Newton a découvert, il y a longtemps, que les couleurs n’existent pas vraiment, que la lumière est incolore et que les couleurs n’ont de réalité que dans notre cerveau (tout pratiquant du bouddhisme Kagyupa vous le dira), de même, les sons – tout ce passe à l’intérieur – pas dans le monde extérieur, qui est vide et sans voix.
Au départ, tous, à un moment dont nous avons oublié la teneur, l’intensité ou le lieu, avons fait cette expérience de l’écoute avant l’écoute – avant de savoir écouter, de savoir ce que c’est – ce que ça produit en nous – que d’écouter, non pas seulement une musique créée à cet effet, mais l’espace dans le quel on vit – écouter le Temps, pourrait-on dire.
Un jour, alors que j’étais enfant, j’ai voulu garder en mémoire une scène, a priori d’une grande banalité, mon père sortant de chez lui. Je me souviens parfaitement dans quelle rue cela s’est passé, je me souviens très bien m’être dit qu’il fallait que je garde cette scène en mémoire et la garder pour toujours. Je me dirigeai vers la voiture et me retournai pour bien me rappeler de lui lorsqu’il passerait l’encadrement de la porte, qu’il marcherait sur le trottoir, traverserait la rue étroite pour venir à ma rencontre. J’ai fermé les yeux pour ne pas mêler ce que je voyais au souvenir que je devais garder. Je ne me souviens que d’avoir fermé les yeux et de la sonorité calme de la rue.
Comme Husserl, Merleau-Ponty pensait qu’il fut impossible de connaître un objet en soi, qu’on ne peut l’appréhender qu’à travers son accessibilité à la conscience humaine, autrement dit : l’homme ne peut le concevoir qu’à travers les moyens imposés par les limites à sa perception. Tautologie phénomènologique.
On pourrait penser qu’écouter est libre de tout traitement – excepté le traitement qu’exercice notre cerveau – via oreille, limaçon, étrier et autre ustensile compliqué et précieux. Autrement dit, ce que l’on perçoit, d’où l’on se tient, avec les outils que l’on possède, c’est d’ici que toute notre affaire se trame, c’est d’ici, en effet, que tout se considère et s’invente – d’ici et de nulle part ailleurs. Ecoutons encore.
Description sonore d’un sentier, celui de Soldaten (parc national de Stora Sjöfallet, nord de la Norvège) remonte vers un torrent qui se déverse au sommet d’une montagne. Tout d’abord, on entend son grondement sourd et lointain, puis pénétrant à travers le bois, le son disparaît progressivement pour le ruissellement plus clair et nuancé d’un ruisseau descendant sur un lit de cailloux. Ce qui est particulier, c’est que le sentier s’en approche ou s’en éloigne et le son se modifie en fonction de ce va-et-vient. Chaque fois que le sentier borde pour un temps le cours d’eau, sa sonorité semble différente – niveau de la pente, matériau sur lequel il roule etc., à un moment, il s’installe dans la sonorité une forme de stéréophonie, lorsque deux rapides se rejoignent. Arrivant vers le sommet, le fracas grave efface petit à petit tout autre bruit.
Le son de la ville – de telle ville (la vôtre, avant) – ce son qui change et qu’on ne reconnaît plus, que l’on oublie (en réalité, il s’efface). Le réentendre vous ferait rejoindre votre passé lointain à la vitesse de la lumière (bien plus rapidement que par la vision de quelque photographie intime ou révélée). Un jour, quelque part, ailleurs, dans une certaine région que le hasard vous fait traverser – voici que se rejouent les mêmes sonorités, ces même grues lointaines, ces mêmes machines, ces mêmes voix.
Sur la petite terrasse, un rouge-queue noir tente d’entrer dans un trou au dessus de la porte, au moindre geste, il fuit puis revient tout aussitôt dans un froufroutement d’ailes, le bruit léger d’ailes invisibles que l’on a toujours négligé de décrire (peut-être faute de l’entendre).
Un perroquet imite un coq, un mainate, un téléphone portable (un modèle de sonneries anciennes se perpétue ainsi dans la jungle). Echos d’une technologie lointaine, de voix oubliées.
Un voisin avait construit une harpe éolienne, le soir s’entendait quelque vocalité, des plaintes. C’était une simple boîte en bois et quelques cordes, placée dans un arbre. Bien que l’on sut où elle avait été placée, il était difficile de localiser les sons, si bien qu’à plusieurs moments, surtout au crépuscule ou durant la nuit, elle nous semblait avoir été déplacée (cependant qu’elle était toujours au même endroit).
Tentative d’une description. Marchant dans une rue de New York (cela aurait pu être ailleurs ou peut être pas), dans la résonance constante du trafic, après que mes tympans eurent été mis à rude épreuve (décollage, atterrissage et après avoir écouté un grand nombre de concerts pour les besoins d’un film sur Zbigniew Karkoswski, réalisé en Chine), précisément remontant la Sixième Avenue, il m’a semblé que mes sens me lâchaient pour de bon. En effet, j’entendais avec une précision diabolique des chuchotements provenant d’une arrière-cour, que j’estimai être à trente mètres. Par contre, le reste ressemblait à ce que l’on perçoit lorsqu’on place son pavillon dans une tasse vide, quelques craquements en plus. Ce que je distinguai alors avec la plus grande netteté, ce sont les différents plans sonores, comme si chaque distance était repérée avec un mètre d’arpenteur et noté à la craie, paradoxalement, c’était ce qui était le plus infime et le plus lointain qui était le plus précis, le brouhaha indéterminé ayant tendance à se dissoudre dans le vide. Je chancelai néanmoins, à demi-paniqué à l’idée que ce soit là la nouvelle réalité de ma perception. La fulgurance du phénomène disparu aussi vite qu’il m’était apparu. Seules quelques acouphènes de tonalités différentes revinrent lorsque j’entrai dans le silence de la galerie.
Alors que j’étais pour quelques semaines à New York, dans l’appartement ‘sonorisé’ de Michael Schumacher J’étais dans cet espace particulièrement attentif à la perception que j’avais de ce qui était naturel et ce qui était éventuellement ajouté, avec ce sentiment que rien ne surgit en une fois, que rien ne commence vraiment à partir d’un point défini, mais qu’au contraire, tout a toujours commencé sans vraiment l’avoir formellement été. Ainsi j’étais attentif à tout, comme si rien ne m’échappait. Ce n’est qu’au bout du séjour que je m’aperçus que l’installation sonore était probablement défectueuse (mieux, Michael m’avoua qu’elle n’avait pas été installée encore, il l’avait seulement envisagée).
Je perçus des fréquences électriques à travers des acouphènes dues à un concert de la veille, j’ignorai longtemps si ce son avait une réalité ou pas. J’entrai dans la cuisine, et là, je vis un papillon de nuit se cogner à une ampoule électrique.
Quand rien ne sera plus à dire, on entendra un vacarme produit par l’entropie ultime de nos cellules et il nous faudra choisir le silence et la lumière. Peut-être que dans ce silence il y aura autre chose – des voix ? – oublier-les – dirigez vous vers le silence et la lumière. Le bruit n’est que pour les vivants (et les mourants, soit) – mais non pour les morts.
Guy Marc Hinant,
Madrid, Bruxelles, mai-juin 2019
Le trou a deux fonctions ici, se laisser à un espace encore inconnu qui se remplira de quelque chose qu’on ignore et comme le résultat d’une percée volontaire (évocation d’un travail sur toile de Lucio Fontana, 1963).
Taxonomy, Gaps, and Breaches
A Continuous Reading of the World through Fragments
As I walked along I sang a mysterious hymn which I seemed to remember having heard in a previous existence, and which filled me with ineffable joy.
—Gérard de Nerval, Aurélia (1855)
What I would like to do here is to sketch a reflection, that has been linked to my encounter with Francisco López, since we have met many of years ago; an which is linked to my own work at Sub Rosa as well; what is generally called an écoute or listening experience; the ever unique perception we have of such an experience; the gaps that are required if we are not to diminish the prospects of our unpredictable expansions; and, finally, the acceptance of the unknowable. those things we cannot know.
Torus1 #1: Toward an Achronological Genealogy
In the nature of the case, an explorer can never know what he is exploring until it has been explored.
—Gregory Bateson, Steps to an Ecology of Mind (1972)
The trouble starts when you have to classify. But that’s also the point at which you begin to think. Organizing and arranging means establishing a methodology. But what kind? And in what order? Since entropy, by its nature, is increasing,to grasp things we have no choice but to classify them.
At the beginning of his Steps to an Ecology of Mind, Gregory Bateson engages in a dialogue with his young daughter, who asks him, “Why do things get in a muddle?… People spend a lot of time tidying things, but they never seem to spend time muddling them. Things just seem to get in a muddle by themselves. And then people have to tidy them up again.”
Moshe ben Shem Tovde León, would say that one has to avoid both the rigor of an established order as well as a formless chaos, neither too solid nor too fluid, so “it” can neither break nor slip through our fingers. For that, we have to establish an intermediate law. Between the pillar of the Law, rigidity, and the pillar of Imagination, fluidity, we have to find a median or mediating pillar. It is a question of density. To do this, we have to embrace the knowledge we have of “it” now. But We can already see a first problem arising, since our future knowledge—which will force us to establish another type of classification—is not yet on the agenda. Above all, we have to see and recognize the facts not as they are today but as what they might be hypotetically # in a near or distant future. Hence it is essential to preserve gaps.2 There must be holes/ empty spaces and fractions there must be gaps.
I think back to a conversation I had with Francisco on one of his visits to Brussels. I told him that, while the English composer Hugh Davies hadn’t found it too difficult to compile a complete list of the electronic pieces written in the 1950s, since then the number of such pieces had grown so large that a project of that kind had become unthinkable. Technology evolvedand seeing the boundaries between the arts dissolve (musicians/structures—visual artists/texture, to be brief), I told him I was having a little trouble wrapping up my final volumes because of this elusive abundance. My plan had been to trace an achronological territory of this music from its beginnings to the present day—or, to be more specific, the day I stopped. What was produced is a result of my proper knowledge and a specific time. If others had constructed it, or if I would today or earlier in time the outcome would have been different. It is compiled at that time and not in any other —not before and not today. That could render this sort of enterprise obsolete,as it fails, by definition, to arrive at a definitive solution, but in reality its beauty is capturing this formal fragility. Here is what was possible to do. Everything is in a constant flux, and every contemporary witness to these changes is marked by the trace of his or her blindness. Since blindness forms part of our survival kit, both blindness and forgetting are necessary for us. But Francisco told me already at that time that my attemps to grasp those fluxes were in vain.. No doubt, I hadn’t completely let go of this illusory notion of knowing things from above, from an aerial viewpoint, even if I knew it was a losing battle. After a short anxiety, there was some kind of liberation. Our incompleteness is so necessary, Iit isso crucial that this action is unfinished, to becoming, on the verge of—going towards… the possibility of a force without disenchantment.
Kairology rather than chronology, multiple rhizomatic genealogies as testimony to the present creation of sound as social action. . Gilles Deleuze and Félix Guattari’s A Thousand Plateaus (1980) had had a powerful impact on us at the very beginning of Sub Rosa. This rhyzomatic system saved me from my anxiety at seeing a world swept away by its its unfolding dialectical logic.As a rhizome doesn’t have a center, it has neither beginning nor end. A set of rhizomes establishes a plane, which Deleuze and Guattari call a plateau. On this plateau, a given mode of knowledge takes shape, ameaning. If this knowledge is integrated or merged with other rhizomes, it changes its form and its nature. Therefore what is dry doesn’t break and what is fluid doesn’t slip through our fingers. We reconstruct and rearrange.
As an inevitable consequence of technology, the exponential proliferation of productions through new types of machines contributes to forming “a constellationof very small units of publications, distributions, presentations, and exchanges of cultural products largely uncontrolled ” and in fact exist beyond the academic or commercial considerations that are also fostered by the era, indeed even more emphatically, but in other places. But these places are no longer contiguous There are gaps.
Let’s go back. The idea of genealogy – it is inverse to that of the lost man searching his origine what mythology will restore his lost strength. On the contrary, it is a matter of starting from the moment where one is. , in the way Nietzsche penetrates the genealogy of truth, good, evil, taboos, romantic love, and contracts. This inevitable leads to completely contradictory propositions. Nothing goes back like a fish swimming up a river, but like a meaning that gets lost amid all its beginnings.
And so, when I was at the end of my anthologies -the historical ones and the others – all achronologies and arrangements , all infinitesimal elements we will never know—the collection of all that drifted off toward the unknowable and anonymous. Because it is vain to seek to know everything, Francisco told me, over a bowl of miso soup. Being within an unknowable and accepting it—that’s what I began to do before the soup got cold.
Torus #2: The Art of Sound is the Place of Sounds
As I am bound by more things, I become aware of the many things which bind me, for there are many different kinds of beauty. Thus, I am inflamed and bound in a relationship by one thing in one way and by other things in other ways.
—Giordano Bruno, A General Account of Bonding (De Vinculis in Genere, 1591, trans. Robert de Lucca)
David Toop imagined Sonic Boom at the Hayward Gallery in London in 2001. It was an enormous space of sound installations, and it was an important step, both culmination and point of departure for many other similar exhibitions intermingling sound, music, moving images, architecture, and sculpture. It was the first large-scale experiment that I saw which would give a spectacular space of sound by means of an exhibition. Of course, sound had already appeared in museums and galleries before that often associated with videoart), but usually as
a marginal phenomenon (Nam June Paik, Joseph Beuys, and Wolf Vostell, to name only those who were close to Fluxus).But they were always (islands)points of noise in a space of silence.
The best definition of sound installations is that of Bastien Gallet:Installing sounds doesn’t mean producing a visual installation of sounds but arranging them in a specific place. Installing sounds means composing an expanse and its encounter with a place. The sound installation is music on condition that we understand music no longer as the art of sounds but as that the art of sonic expanses (and durations) in relation to places it configures or invents.
This reflection gave me a kind of key for developing an perfectly simple framework that classifies the seemingly chaotic flux of emerging phenomena So I went ahead and imagined a possible arrangement.
1. The Forms of the Installation
Sound?without a support (A)
Ambient sound interacting with the external environment (A-a)
Sound that interferes with the external sonic environment (A-b)
Production of interactive sounds (A-c)
Work on language (A-d)
Objects (B)
Material support for sound diffusion: loudspeaker… (B-a)
Material support for diffusion seen as sculpture (B-b)
Support-sculpture that produces sound (B-c)
Support-painting (exhibited alongside the sound) (B-d)
Video (C)
Visual material directly related to the sound (the video produces its own sound) (C-a)
Visual material indirectly related to the sound (the sound is produced by another support) (C-b)
Performance (D)
Related to the visual arts (D-a)
Related to the musical structure (D-b)
2. The Origin of the Concepts
Visual artists (O)
There continues to be a great variety of tendencies: from the neo-minimalists, whose work has a strong technological component (Ryoji Ikeda), to the practitioners of a new arte povera (Steve Roden) or low-tech art.
Musicians (E)
Musicians who clearly seek to transcend existing categories
Visual artists/musicians (OE)
Many musicians of the electronic scene that began in the late 1990s came out of the fine/ visual arts but chose sound as their field of exploration.
3. Oscillating Phantom Axis: The Outside><Inside Relationship
Outdoor installations by definition interact with all the ambient sounds. (X)
Indoor installations, by contrast, are isolated from the noises of the world. (Y)
Thus, B-c/OE/Y might describe an artist trained as both a visual artist and a musician who produces sound installations that utilize the equipment of sound diffusion as a support inside a gallery or museum—this could be the work of Christian Marclay, for example.
I leave it to you to use this methodology, which is quite easy to apply in all museum spaces, known or unknown. Everything must fit in the palm of the hand (or in a book) or spread out endlessly in an unidentifiable space.
Torus #3: Hearing and PerceivingWhat (Perhaps) Does Not Exist
All experience is subjective…. Our brains make the images we think we “perceive.”… The processes of perception are inaccessible; only the products are conscious and … it is the products that are necessary.
—Gregory Bateson, Mind and Nature (1979)
A long time ago, Isaac Newton discovered that colors don’t really exist, that light is colorless, and that colors only have reality in our mind (every Kagyu Buddhist practitioner will tell you as much). It is the same with sounds—everything happens on the inside, not in the outside world, which is empty and devoid of voices.
In the beginning, at a moment whose content, intensity, and place we have forgotten, we all had this experience of listening before listening —before we knew how to hear, knew what it was—what it produced in us—to listen – not just to music created for that – but to the space in which we live—to listen, one might say, to Time.
One day, when I was a child, I wanted to preserve in memory a scene that in itself was of great banality —my father leaving from home. I remember exactly what street it happened on; I remember quite well saying to myself that I had to retain this scene in memory and preserve it forever. I walked toward the car and turned around so I would remember him well as he walked through the door and onto the sidewalk and crossed the narrow street to join me. I closed my eyes so as not to mingle what I saw with the memory I meant to preserve. I only remember closing my eyes and the silent sounds of the street.
Like Edmund Husserl, Maurice Merleau-Ponty thought that it was impossible to know an object in itself, that it can only be apprehended through its accessibility to human consciousness. In other words, human beings can only conceive it through the means imposed by the limits of their perception. A phenomenological tautology.
One might think that listening is free of any processing—except for the processing carried out by our brains via the ear, the cochlea, the stirrup, and other precious and complicated tools. In other words, what we perceive, wherever we are , with the tools we possess, it is here that our whole plot is hatched; it is here, in fact where all is weighed and invented—here and nowhere else. Let’s listen again.
Sonic description of a path: the Soldaten trail (Stora Sjöfallet National Park in northern Sweden) climbs toward a stream whose source is at the top of a mountain. At first, one hears its dull, distant roar; then, as one penetrates deeper into the forest, the sound gradually disappears, giving way to the clearer and more nuanced flowing of a brook rushing over a bed of stones.As the trail moves closer and further away from the stream, the sound changes in a particular way. Every time the path hits upon the stream for a while, the sound of the water seems different—the steepness of its slope, the material over which it runs, and so on. At a certain point, a kind of stereophony seems to invade the sound when two rapids meet. As one reaches the summit, the low-pitched roar gradually drowns out all other noise.
The sound of the city—a particular city (yours, before)—this sound that changes, that we no longer recognize, that we forget (when really it faded away). Hearing it again would take you back to your distant past at the speed of light (much more quickly than looking at a photograph, private/ intimate ot révélée ). One day, somewhere, elsewhere, in some region chance makes you pass through, there again are those same sounds, those same distant cranes, those same machines, those same voices.
On the little terrace, a redstart is trying to enter through a hole above the door; at the slightest gesture it flees, then immediately returns in a rustle of wings, the faint sound of invisible wings that we have always neglected to describe (perhaps because we have never listened to it).
A parrot imitates a rooster, a myna, a cell phone (old model ringtones thus live on in the jungle). Echoes of a distant technology, of forgotten voices.
A neighbor built a wind harp; in the evening one could hear a few vocal, moaning sounds. It was a simple wooden box and a few strings, placed in a tree. Despite the fact that we knew where it was, it was hard to localize the sounds, so that at certain times, especially at dusk or during the night, it seemed to us that the harp had been moved (though it was still in the same place).
Attempt at a description. Walking down a street in New York (it may have been somewhere else, or maybe not), in the constant rumble of the traffic, after my eardrums had been sorely tested (a takeoff and landing and attending many concerts for a film on Zbigniew Karkowski being made in China)—walking up, specifically, Sixth Avenue, it seemed to me that my senses were deserting me for good. In fact, I heard, with fiendish precision, whispering coming from a backyard that I estimated to be thirty meters away. The rest, by contrast, resembled what you perceive when you place the pinna of your ear in an empty cup, with a little additional crackling. What I distinguished then with the greatest clarity was the various sonic planes, as if every distance was marked off by a surveyor’s tape measure and recorded with chalk. Paradoxically, it is what was most minute and furthest away that was most precise, while the indeterminate hubbub tended to dissolve into the void. Nevertheless, the experience set me reeling, half panicked at the thought that this might be the new reality of my perception. The intensity of the phenomenon vanished as quickly as it had appeared. Only some tinnitus of different timbres returned when I entered the silence of the gallery.
Once, when I was in New York for a few weeks, I stayed in Michael Schumacher’s “sound” apartment. . In this space, I was especially attentive to my perception of what was natural and what might have been added, with the feeling that nothing arises all at once, that nothing really starts at a definite point, but that, on the contrary, everything has always already begun without ever really having formally done so. Thus, I paid close attention to everything and had the feeling that nothing was escaping me. Only at the end of my stay did I realize that the sound installation was probably defective (even better, Michael admitted that it hadn’t been set up yet; he had only been considering it).
I perceived electric frequencies through tinnitus caused by a concert I had attended the day before. For quite a while, I didn’t know if this sound had any reality or not. I entered the kitchen, and there I saw a moth bumping into an electric light bulb.
When there will be nothing left to say, we will hear a din produced by the final entropy of our cells, and we will have to choose the silence and the light. Perhaps there will be something else in this silence—voices?—forget them—go toward the silence and the light. The noise is only for the living (and perhaps the dying)—but not for the dead.
Guy-Marc Hinant
Madrid, Brussels, May–June 2019